Comment mettre fin au martyre de l’obèse ?

L’Etat ne peut pas tout“, déclare Lionel Jospin le 13 septembre 1999.

« Michelin annonce un plan de restructuration préparant la suppression de 7 500 postes. Alors Premier ministre depuis deux ans, Lionel Jospin lâche au JT de France 2 une phrase qui lui coûtera cher : « Il ne faut pas tout attendre de l’Etat [...]. Je ne crois pas qu’on puisse administrer désormais l’économie. [...] Tout le monde admet le marché. » Avec ce qui est pris pour un aveu d’impuissance à l’époque — seule l’idée que l’Etat ne peut pas tout sera retenue — Lionel Jospin introduit en réalité son idée d’une social-démocratie. Celle-là même que Manuel Valls dit « assumer » aujourd’hui » écrit le Nouvel Obs ce 30 avril 2014.

Il est vrai que, ce jour de septembre1999, le socialiste qui était Premier Ministre de la France brise un tabou. Depuis, l’impuissance de l’Etat est devenue une rengaine dont les refrains sont que les politiques sont impuissants face à la mondialisation, que l’Europe impose sa loi tatillonne, et que l’Euro prive la politique économique de l’essentiel de ses moyens d’actions, c’est à dire dévaluer. La dévaluation compétitive a beau se parer des plumes de la modernité, elle consiste à annuler les effets de la redistribution sans le dire. Par l’inflation qu’elle induit, elle diminue les revenus de ceux qui n’ont pas de pouvoir de négociation : retraités, salariés, titulaires de prestations sociales…

N’en déplaise au Nouvel Observateur, c’est bel et bien un aveu d’impuissance parfaitement justifié que livre Lionel Jospin. Baptiser ce constat du joli nom de social-démocratie, au demeurant pléonastique, car comment imaginer une démocratie non sociale, ne change rien. L’hyper-Etat ne peut pas tout, et pour être objectif, il ne peut plus grand-chose, et en se mêlant de tout, il peut surtout mal faire.

Les raisons de cette incapacité de l’Etat de répondre aux défis du monde tel qu’il va, ou si l’on est pessimiste tel qu’il ne va pas, ne sont pas dans l’impéritie des dirigeants politiques ou dans une fatalité spécifiquement française. Elles résident dans ce que l’on peut définir comme le martyre de l’obèse. L’Etat est devenu un grand corps podagre, il tient son impotence de sa boulimie. Tel un malade de la goutte ses extrémités le font horriblement souffrir. Les petits privilégiés du système étatique ne cessent de récriminer. La malédiction est que bien que paralysé, sa nature d’outre-mangeur pousse l’hyper-Etat à accroitre sans cesse son embonpoint. Et la consommation pâtissière de millefeuille n’arrange rien.

De fait, l’Etat, reconnaissant son inaptitude n’a plus aucune légitimité pour exiger des citoyens des contributions de plus en plus élevées. C’est donc à une cure drastique d’amaigrissement que l’Etat doit d’urgence se soumettre en se recentrant sur ses missions régaliennes, à l’exclusion de toutes autres.

La Cour des Comptes le dit, par la voix de son Président, le socialiste Didier Migaud, un 5000 non énarque, il y a trop de fonctionnaires.

Il n’est pas le seul. Sur le site officiel de l’Etat “Vie publique“ en ligne le 12/12/2012, on peut lire : « L’évolution de long terme: l’augmentation des effectifs de la fonction publique. Ceci s’explique d’abord par l’accroissement, depuis le deuxième tiers du XIXe siècle, avec une accélération après 1945, des interventions économiques et sociales de l’État, qui ne se limitent plus aux seuls domaines régaliens. Quant aux collectivités territoriales, l’augmentation des effectifs de fonctionnaires s’explique par le mouvement de décentralisation qui, depuis 1982, transfère des compétences de l’État aux collectivités. Aujourd’hui, donc, les effectifs de la fonction publique constituent une charge importante pour les personnes publiques et un souci constant. Ainsi, pour l’État, les traitements et les retraites versés aux fonctionnaires représentent plus de 40% de son budget. »  .

La vraie question n’est pas celle de la qualité du service public, mais celle de l’extension déraisonnable du champ d’action de l’hyper-Etat.

Leave a Reply