Le Jabberwokcy est un personnage improbable qui naît dans une langue composite inventée par Lewis Caroll dans l’univers du Pays des Merveilles d’Alice.
Le monde politique français possède son personnage poétique déroutant et baroque, il a nom Arnaud Montebourg. Son physique de play-boy lui permet de surfer d’échec en échec sans coup férir. D’Arcelor, à Alstom, de la nationalisation à tout crin à une dérégulation furieuse que la Dame de fer Thatcher n’aurait jamais rêvée, il bondit, et rebondit.
Très tôt, le jeune Arnaud a compris qu’une carrière politique passe par l’ENA. Hélas, il ne parvient pas à intégrer ce haut lieu où l’on stérilise l’intelligence française en lui inculquant des fariboles ringardes inutiles dans le monde d’aujourd’hui, mais où l’on se constitue un réseau d’une efficacité sans pareille pour s’emparer des postes de l’Etat les plus enviés. À cet égard, le barreau, auberge espagnole où l’on ne mange que ce que l’on y apporte, ne sert à rien, mais il est ouvert à tous. Avocat sera sa carte de visite.
Défendre la veuve et l’orphelin ne passionne pas Maître Montebourg, son regard se porte plus haut. Tout en haut, la Présidence de la République est l’objectif obsessionnel de sa vie. Il ne se voit pas parmi les meilleurs mais le meilleur. Le style aristocratique d’Arnaud Montebourg qui conduit plus d’un à lui donner du « de Montebourg », revient à sa branche maternelle. Son illustre aïeul, Ahmed Ould Cadi, agha de Frendah (Oran), qui combattit aux côtés de l’armée française lors de la conquête de l’Algérie, fut fait chevalier de la Légion d’honneur en 1842, officier en 1852, commandeur en 1860, puis grand officier dans cet ordre.
L’affaire du Carrefour du développement où 27 millions de francs se sont évaporés est un des premiers scandales financiers de la Mitterrandie. Dans ce procès où le premier plan est occupé par Christian Nucci (amnistié en 1990), le jeune Montebourg défend la présidente de l’association. Introduit dans les méandres des approximation financières du monde politique par les écarts socialistes, il retourne le glaive contre la droite. Sa cible sera désormais le Président de la République.
Le weekend du 31 mai/1er juin 1997 sera pour Arnaud Montebourg décisif : le samedi il épouse Hortense de Labriffe, fille du comte du même nom et le dimanche il est élu député de Saône et Loire. Mais, les réseaux provinciaux ne sont rien à Paris, il faut pour exister dans le microcosme pénétrer le monde des médias. En 2010, il noue un concubinage avec une journaliste politique de premier plan. Et voici 2011, la primaire socialiste pour la candidature aux présidentielles lui offre l’occasion de se positionner sur ses ambitions finales.
Côté programme, Montebourg ose tout, la mondialisation est un fait, il milite pour la démondialisation. La réalité n’est pas sa tasse de thé. Il est à l’aise dans l’imprécation. L’injure lui vient plus rapidement à la bouche que la pensée. Son score qui le place en troisième position avec 17,19 % des voix, le rend incontournable. Ministre, il se démultiplie, et fait de la gaffe un art majeur. À dire tout et son contraire on devient insaisissable, et l’on a réponse à tout. Une seule règle occuper le terrain, exister.
Un destin hors norme que celui de Monsieur Montebourg. Jusqu’où montera-t-il ? Peut-être au sommet de l’Etat, ou peut-être à la disgrâce comme l’écureuil emblème de Fouquet surintendant des finances dont la munificence irrita si fort Louis XIV et dont la devise était « quo non ascendam« , jusqu’où ne monterais-je pas ? A gauche, en effet, on s’y entend à merveille pour couper les têtes qui dépassent.
« Prends garde au Jabbewocky », conseille Lewis Caroll.