L’élite française, une espèce en voie d’extinction ?

L’élite est un groupe d’individus qui se distingue par la conjonction d’une sélection des meilleurs, la détention d’un pouvoir déterminant pour le corps social et l’exercice d’un magistère moral. Qu’un seul de ces caractères fasse défaut et l’élite disparaît. Faute d’exemplarité morale, elle devient oligarchie; sans qualifications supérieures elle est médiocratie, et sans prise sur les décisions capitales elle verse dans l’impotence.

À ces trois égards, l’élite de France est en danger.

Dans ses différentes composantes, l’élite n’est plus en mesure d’exercer une exemplarité morale. Les élus semblent s’ingénier à se disqualifier chaque jour un peu plus, de sorte que le premier qualificatif qui leur colle à la peau est le triste « tous pourris ». Les hauts fonctionnaires ont perdu leur aura d’êtres désintéressés par leur gestion égoïste, inefficace et surfacturée qui consiste désormais à se servir des biens publics et non plus à servir le bien public. Les grands patrons n’ont plus depuis le 19ème siècle valeur de modèles sociaux, leur comportement dans l’époque récente n’a rien fait pour redorer leur blason. Restent les communicants qui continuent à influencer les esprits, mais leur marque est fugace et l’opinion volatile, car elle ne perçoit aucune cohérence dans les fatwas de ces ayatollahs des médias.

Quels sont les pouvoirs de l’élite française d’aujourd’hui ? Les politiques avouent leur impuissance face à la crise, à la mondialisation, à l’Europe, au terrorisme, au racisme… Les hiérarques de l’Etat n’ont plus de recettes miracle à proposer, ils proposent aux élus une boîte à outils qui tient plus du bricolage que la la politique économique. Les patrons ne songent qu’à ces horizons lointains où leur prise sur le réel n’est pas entravée. Les communicants, le quatrième pouvoir, n’est plus bon qu’à démolir les trois premiers.

La composition de l’élite n’est pas plus satisfaisante. Elle découle de trois sources : le concours, l’élection, et la cooptation.
La voie du concours souffre d’un malthusianisme forcené, et d’une inadaptation des formations aux exigences du monde moderne. Sont promus au sommet des administrateurs et subsidiairement des matheux distingués lors d’une sélection précoce d’un groupe restreint et homogène, jamais remise en question, alors que le monde appartient à la diversité, aux créatifs, aux entreprenants et aux commerçants.
L’élection n’offre qu’un accès temporaire à l’élite dont on sort aussi vite qu’on y est entré si l’on n’est pas protégé par un statut auquel donne accès le concours. La cooptation, sélection par les réseaux, n’est qu’un avatar de la culture des promotions par concours, elle n’assure en rien une ouverture sociale ou une diversité de talents. En définitive, l’élite française n’est plus apte à diriger la France, sa principale efficacité consiste à  pérenniser les privilèges dont elle jouit. Elle n’est plus une élite mais une communauté de profiteurs.

Leave a Reply